Les Infiltrés (The Departed)
Un film de Martin Scorsese
Avec Matt
Damon, Leonardo di Caprio,
Mark Wahlberg, Jack Nicholson, Martin Sheen, Ray Winstone, Vera Farmiga, Alec
Baldwin…
Faire un remake n’est pas une chose commune lorsque l’on s’appelle Martin Scorsese et que l’on a derrière soi une carrière magnifique, l’une des plus belles du cinéma contemporain.
Et pourtant, le cinéaste italo-américain s’est attaché à l’histoire d’Internal Affairs, thriller hongkongais d’Andy Lau et d’Alan Mak, pour la transposer dans le Boston d’aujourd’hui, au sein de la mafia irlandaise.
The Departed raconte l’histoire d’une taupe de Frank Costello, Matt Damon, parrain de la mafia irlandaise, au sein de l’équipe de police chargé de le débusquer, alors que de son côté, la police infiltre une jeune recrue dans l’équipe de Frank Costello, Leornado di Caprio.
Une infiltration aussi périlleuse pour l’un que pour l’autre, constamment sur la corde raide, entre mensonge et vérité, proche de la schizophrénie.
Si Scorsese a déjà fait ses armes au cinéma pour dépeindre la mafia, que ce soit dans Casino, Mean Streets ou Goodfellas (Les Affranchis), c’est cette fois du côté de la mafia irlandaise que le cinéaste a posé ses caméras et son cadre acéré.
Véritable symphonie sans fausse note, The Departed montre une fois de plus que Martin Scorsese est l’un des plus grands réalisateurs en activité. Son sens du cadre, du rythme et la vigueur de sa mise en scène, rappellent combien le réalisateur est précieux et au sommet de son art.
Ceux qui avaient senti un essoufflement avec Gangs of New York ou The Aviator, à tort, peuvent être rassurés en découvrant cette nouvelle œuvre.
On retrouve dans The Departed l’attachement du cinéaste à aller au plus profond de l’âme de ses personnages, qui sont tiraillés par des forces supérieures, comme bien souvent dans ces films, entre leur humanité et la violence, la haine, le devoir envers les autres. Chacun doit référer à sa propre « famille », la mafia pour Colin Sullivan (Matt Damon), la police pour Billy Costigan (Leonardo di Caprio), dont l’oncle était pourtant un des membres respectés de la mafia locale avant de trouver la mort.
Cette lutte souterraine entre deux hommes qui se cherchent longtemps sans se trouver, c’est aussi l’histoire du cinéma de Scorsese, à travers ses personnages tourmentés, profonds, comme Sam « Ace » Rothstein dans Casino, Howard Hugues de The Aviator ou encore Travis Bickle de Taxi Driver.
Parfois sur un ton désespéré, « on ne peut lutter contre ses propres racines », parfois avec l’espoir, à travers l’amour qui réunit les deux hommes, Scorsese réussit à magnifier une lutte entre hommes de cœur, fidèles aux principes de leur vie, malgré les conséquences dramatiques de leurs actes, et ce en toute conscience.
Ce sommet est magnifié par la composition épatante de Leonardo di Caprio, dont la maturité semble s’affirmer au fil de ses collaborations avec Scorsese (The Departed les réunit une troisième fois, après Gangs of New York et The Aviator, avant de se retrouver bientôt normalement pour The Rise of Theodore Roosevelt), mais également le jeu admirable de Matt Damon, qui ne verse jamais dans la facilité et rend la pareille à Di Caprio de fort belle manière.
A leurs côtés, Jack Nicholson incarne un parrain convaincant quoique sans surprise, Mark Wahlberg joue le rôle d’un flic au langage très fleuri, une sorte de renaissance à l’écran pour ce comédien que l’on croyait définitivement perdu depuis The Yards, date de son dernier rôle digne de ce nom. Enfin, il faut noter la présence plus discrète mais importante des seconds rôles d’Alec Baldwin, Martin Sheen ou encore Vera Farmiga.
Une fois de plus, Scorsese réussit le pari de renouveler son cinéma et apporter au cinéma son expérience, son sens de la rigueur, de l’académise mais aussi une fraîcheur, un renouveau, ce qui est loin d’être commun.
The Departed est un opéra dont le chef d’orchestre est Martin Scorsese. Prenez place au balcon et profitez du spectacle, vous ne serez pas déçus !
Arnaud Meunier
31/12/2006